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Patrick Béguinel

Patrick Béguinel

des textes courts, des chroniques, des nouvelles : mon univers...


Une vie qu'il n'avait pas choisi (suite)

Publié par Patrick Béguinel sur 17 Mars 2017, 12:30pm

Une vie qu'il n'avait pas choisi (suite)

La pause arriva, éclaircie salutaire après des moments de grisailles internes. Les quatre premières heures s'étaient donc enfin écoulées. Il expira longuement, comme après une trop longue apnée. Lobotomisé à force de compter, recompter le nombre exact de colis, fatigué à force de devoir positionner tel paquet à telle place afin que tout ce qui se trouve sur la palette ne se casse pas la gueule, il allait enfin pouvoir souffler un peu. et laisser un peu de mou à ces idées emprisonnées.

Au coup de feu annonçant la trêve dans cette suite d'actions débilitantes, les hommes et femmes de l'entrepôt prirent la direction de la salle de pause, dans le même flux monotone de pas trainants. Peu de mots étaient échangés. Les regards voguaient sur un océan de vacuité. il leur fallut plusieurs minutes avant de comprendre qu'ils pouvaient laisser tomber leurs commandes et penser un peu à autre chose.

certains sortirent fumer une cigarette tandis que les autres se servir un café dans la salle du réfectoire. Au mur, une immense télé trônait, coincée entre le frigo et la machine à café. Allumée sur une chaine quelconque, elle dispensait un bruit de fond qui coupait court à toutes discussions. Les yeux rivés sur les images animées, tous étaient plongés dans leurs pensées. Les gars, et l'une des rares femmes travaillant ici, du moins "sur le terrain", et non dans les bureaux,, se taisaient. Encore une bonne idée que de placer une télé ici, ça évitait que des échanges entraînent des pensées qui elles même aurait générées, pourquoi pas, une rébellion. Maintenir le cerveau dans une cage sans barreau, voilà qui était bon pour les actionnaires et autres dirigeants de cette firme de la grande distribution.

Il y en avait bien un ou deux qui voulaient parler, mais, à force d'ignorance de la part de leurs collègues, ils renoncèrent. Il ne parlait pas lui non plus. Étranger au service et à la boite, il ne faisait pas encore parti du groupe. Il observait, il n'avait rien d'autre à faire. Et cela le glaçait. il pensait que, décidément, travailler dans de telles conditions, c'était la mort à petit feu. Il se demandait ce qui poussait des hommes à faire un tel boulot. Bien sûr, il y avait forcément des factures à payer, des crédits à rembourser, il le savait et le comprenait parfaitement. Il n'y a pas de sot métier. Mais il ne pouvait s'empêcher de se dire que ces hommes et ces femmes avaient sans doute rêvés d'autre chose quand ils étaient plus jeunes ? Qu'ils avaient voulu devenir pompier, médecin, illustrateur, mais que quelque part, en chemin, ils s'étaient égarés pour devenir manutentionnaire. Étaient-ils, ne serait-ce qu'un peu, heureux ? Ses interrogations n'étaient pas seulement diriger vers ces hommes, mais également vers lui. Constater l'état du monde du travail, constater que sans doute, dans le tas, un ou plusieurs collègues avaient un jour voulu être vétérinaire le renvoyait vers une peur dont il n'avait jamais pris conscience : et si lui aussi restait enfermé jusqu'à la retraite dans ce boulot alimentaire ?

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M
Ta merde est à chier, elle est à chier! elle est à chier! Arrêtes toi là de ta journée de merde! Après vis ma vie de manutentionnaire , essaies desosseur pareur à la Cooperl, ça devrait faire baver le goudron de ta plume!
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P
Je compte bien essayer de pondre quelque chose là dessus. mais après on me prendra pour un écrivain socail, et c'est pas le but. la fiction a ses limites...

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